Plateforme des savoirs critiques
Le Laboratoire de changement social et politique est un laboratoire de l’université Denis Diderot né de la réunion de deux laboratoires, le Laboratoire de changement social et le Centre de sociologie des pratiques et des représentations politiques. Ce nouveau laboratoire s’inscrit dans une dynamique de pluridisciplinarité et d’interdisciplinarité autour de la question du changement et de ses modalités.
Il mobilise, dans une réflexion qui aborde les conditions de la domination et celle de la subjectivation, tout à la fois des philosophes, des sociologues, des anthropologues des psychosociologues et des psychologues. Il allie la perspective clinique et la perspective critique dans l’investigation des figures ambivalentes du changement entre émancipation et assujettissement.
Le Laboratoire de changement social et politique a pour ambition de constituer une plate- forme des savoirs critiques afin d’ouvrir plus particulièrement des espaces d’interaction et d’échanges intellectuels entre l’université et les citoyens sur la base des conflits et des mouvements sociaux qui émergent dans la société.
La plate-forme se donne principalement pour objectif d’agréger les savoirs et les expériences en relation avec les diverses contestations de la domination dont elle problématise et interroge les énoncés et les manifestations. De ce point de vue, savoir et critique apparaissent comme fondamentalement indissociables et c’est dans cette relation que l’université a peut-être un nouveau rôle à jouer, en ce que la critique a besoin de se constituer en savoir et d’abord en mémoire, si elle veut perpétuer voire développer ses expériences, et en ce que le savoir a besoin de se réactualiser dans la confrontation à la critique.
Par le passé, l’université a su s’ouvrir à cette critique, incorporant un certain nombre des déplacements survenus dans les connaissances et les reconnaissances à la faveur des mouvements sociaux ; aujourd’hui, alors que les diverses agences ( syndicats et partis, entre autres) qui contribuent à la critique semblent de moins en moins réunir les conditions de l’enquête et ont de moins en moins les moyens d’une capitalisation des expériences, l’université pourrait trouver dans ce partage des savoirs pratiques et des expériences politiques une sortie hors d’elle-même qui ne soit pas seulement professionnelle mais qui puisse être aussi citoyenne.
Deux grands thèmes feront plus particulièrement l’objet de cette plate-forme :
– Les « savoirs profanes » en ce que appartenant à des modes d’acquisition traditionnels ou familiers ils ne font pas l’objet d’une reconnaissance institutionnelle ou sociale et peuvent être ainsi enjeux de différends politiques, sociaux et économiques :
— savoirs des soins et du souci acquis dans la sphère domestique et dans des formes de transmission incorporées
— savoirs incarnés tels ceux des malades et dont le mouvement des malades du sida a plus particulièrement donné la mesure
— savoirs d’usage qui, tout en s’associant à la familiarité, ne relèvent pas d’une sollicitude particulière – savoirs pour ainsi dire banals – mais qui n’en constituent pas moins les savoirs mobilisés individuellement ou collectivement par les usagers d’une machine, d’un service, d’une institution ou les familiers d’un lieu urbain ou rural, les salariés d’un lieu de travail, etc.
On voudrait interroger les spécificités de ces savoirs particuliers, mais aussi de ces savoirs collectifs sédimentés et banalisés dans leurs confrontations aux discours et savoirs d’expertise.
– Les « savoirs critiques » entendus comme les savoirs nourris de l’expérience ou comme les énoncés éprouvés dans une relation de dissymétrie ou de domination. La créativité énonciative des situations conflictuelles eu égard aux rapports de domination ou d’exploitation se nourrit et se construit dans des formes de transmissions de moins en moins biens assurées par les organisations de type syndical ou parti. Sans chercher à cristalliser ces énoncés, la plate-forme pourrait être un lieu de réactivation et d’actualisation des énoncés et des savoirs de la contestation.
— Corpus d’œuvres historiques, discours et textes exhumés pouvant avoir une actualité socio-politique
— Echanges citoyens sur des expériences de domination et de résistance dans les diverses sphères sociales (foyers, villes, entreprises, institutions)
— Echanges citoyens autour de mouvements sociaux et des mobilisations collectives politiques ou artistiques
La constitution de ce projet en plate-forme, nous semble être l’instrument le plus adéquat à notre ambition d’échanges autour des savoirs en ce que celle-ci suppose un caractère horizontal (il s’agit de constituer un lieu où les enjeux de savoirs et les expériences critiques circulent, se communiquent, se partagent, sans se hiérarchiser) et un caractère ouvert (il s’agit de constituer un lieu non dogmatique, sans obédience théorique ou « politique » particulière). La plate-forme des savoirs critiques devrait ainsi s’organiser autour d’ateliers ouverts aux publics, ayant une autonomie relative de fonctionnement les uns à l’égard des autres, et alliant savoirs militants et savoirs universitaires, savoirs profanes et savoirs scientifiques. Sur la base de son mode d’agrégation non stratifié et parallèle à l’université, la plate-forme pourrait ultérieurement s’ouvrir sur des réseaux thématiques à la fois dans le pôle d’enseignement et de recherche Sorbonne-Paris-Cité et au-delà. Elle supposerait encore la mise en place de réseaux de communication et d’une revue électroniques (en libres accès).
Dans un premier temps, et sous réserve d’un inventaire plus large des volontés de participation à la plate-forme, ces ateliers correspondraient aux centres d’intérêt des diverses équipes du Laboratoire de changement social et politique, autour des thèmes suivants :
– Handicap et vulnérabilité : autour du séminaire « de l’expertise à l’expérience »
– Philosophie et écologie politiques (colloque en 2014)
– Violence et souffrance au travail (colloque 2015)
– Réseau transdisciplinaire sur le genre
– Pratiques et techniques de l’idéologie managériale
– Art et politique : « Champs, mondes et scènes » ; « Les scènes de l’émancipation : entre art et politique » (colloque 2014)
– Subjectivation, écriture de soi et autobiographie
– Emotions au travail, travail des émotions entre assujettissement et critique
A divers moments de l’année ces ateliers ouverts sur la société et ses conflits se réuniraient pour échanger et sur leurs intersectionnalités et croiser leurs d’expériences et pourraient être les supports à des échanges plus larges : séminaires ou colloques.